Depuis son invention un rude matin d’hiver par le pasteur canadien James Naismith en 1891, le basketball n’a cessé d’évoluer. S’il vous prend un jour l’envie de visionner les premières images de matchs retransmis à la TV, vous vous apercevrez très rapidement qu’il ne s’agit pas du même sport. Les premières vidéos donnent l’impression de regarder des séquences en slow-motion, tant les joueurs et le jeu en lui-même semblent d’une lenteur d’un autre temps… Ce coté pataud et nonchalant qu’on croyait réservé aux anciennes gloires en noir et blanc a néanmoins perduré à travers les âges. Alors que les joueurs devenaient de véritables athlètes ultra complets, une certaine race composée d’irréductibles résistants maintenait corps et âmes cette légendaire tendance. Il s’agit d’un clan fermé, malheureusement en voie d’extinction, que l’on appelait le « pivot blanc ».

pivots blanc

Greg Ostertag, la légende…

Fouillez dans votre mémoire, des noms vous sortiront immédiatement de l’esprit. Faite un effort et rappelez-vous d’une sorte de grande tige plantée dans la raquette, au teint aussi pâle qu’une pastille vichy, dénuée de toute coordination dans ses rares mouvements offensifs. Vous y êtes ? On a tous en mémoire un ou plusieurs dignes représentants de cette secte, où les deux principaux critères d’entrée, la taille et la lenteur, en ont exclu plus d’un. On peut situer l’âge d’or des spécimens au milieu des années 90, et le fait que cela corresponde à une des meilleures périodes de l’histoire de la NBA n’est finalement peut être pas une coïncidence…

pivots blanc

Mark Eaton, le géant blanc..

Comme pour chaque espèce, il y a des précurseurs. Le déclic est peut être venu de la dernière saison de Bill Walton aux Celtics. Ce pivot légendaire, intraitable défenseur aux qualités offensives limitées s’est mué en véritable poteau lors de ses derniers matchs sous le maillot vert. La mode était lancée. Surfant sur la vague, Mark Eaton prit le relais avec brio. Le géant (2m21) des Jazz, à l’envergure affolante, a servi de tour de contrôle durant ses 10 saisons dans l’Utah. Certes, ses statistiques défensives (7,9 rebonds et 3,5 contres en carrière) sont plutôt flatteuses, mais malheureusement pour lui, on se souviendra surtout qu’il était avant tout une des cibles privilégiées des dunkeurs de l’époque (voir le dunk de Jordan ou celui de Kevin Johnson). C’est d’ailleurs la principale marque de fabrique de ces bûcherons des raquettes. Combien de fois leurs courageuses mais vaines tentatives de contres se sont retrouvées malgré elles sur des posters (dunks) ornant les chambres d’adolescents passionnés ?

pivots blanc

Toute la grace et l’agilité de S.Bradley

Cette spécialité, deux ténors du clan en ont fait leur domaine de prédilection. Il s’agit de Shawn Bradley et de l’inoubliable Greg Ostertag. Les deux pivots ont été les cibles d’innombrables moqueries de la part du public et des fans. Combien de fois a t’on pu voir et revoir les deux duduches le cul par terre après avoir encaissé un dunk qui finissait la plupart de temps dans un top 10 ? Pour Bradley, sa taille (2m29) et son physique de mante religieuse ne lui laissaient guère d’autre destinée. Le géant mormon avait quand même pour lui quelques mouvements offensifs qui lui ont permis en début de carrière d’afficher des statistiques plus que correctes. Mais une fois de plus, on ne retiendra que les « postérisations », comme celle de Tracy McGrady (voir vidéo ci dessous) et… toutes les autres ! (voir le top 10 des dunks sur Bradley).

Le frêle pivot qui a fini sa carrière à Dallas partage la première place avec Greg Ostertag. Le pivot des Jazz, certes beaucoup plus costaud que Bradley, était la tête de turc de la NBA. Disgracieux comme pas deux, peu enclin à la réflexion, le joueur préféré de l’ex patron des sports de Canal+ Bruno Poulain s’est toujours fait passer pour le benêt de service. Il fut une des victimes préférées du Shaq, mais également de Kobe (voir ici) et bien sur de Jordan (voir ici).

Jon Koncak

Jon « Contract »

Le casting du pivot blanc, lent, maladroit et qui se prend des dunks n’est pas fini. Voici quelques autres dignes représentants de la « race ». On pense (fort) à Chris Dudley, pivot des Blazers et des Knicks, incapable de shooter à plus d’un mètre du cercle, Joe Kleine, qui a passé quinze longues années à mettre des pains à tous joueurs se présentant face à lui. Jim McIlivaine qui porte bien son nom, était pas mal non plus dans son genre. Le pivot des Sonics lors de la finale NBA 98, avait fait scandale à l’époque avec la signature de son contrat en 96. Le joueur, qui venait de terminer la saison avec une moyenne de 2,3 points et 2,9 points s’engagea pour un contrat qui lui assurait 4 millions (!) par saison (une très grosse somme à l’époque). L’argent est d’ailleurs un autre facteur commun entre ses big men d’un autre genre. Comme le disait Michel Gomez lorsqu’il coachait à Pau-Orthez : « un mec de 2m13, à la fin du match, il fait toujours 2m13 » Comprenez par là que les centimètres se payent cher, surtout au dessus des 2m10. Le symbole de cette surenchère du centimètre est le « pauvre » Jon Koncak. Alors qu’il n’était que remplaçant, le pivot des Hawks de la fin des années 80 signa un contrat de 13 millions de dollars (sur 6 ans), ce qui à l’époque le faisait gagner plus d’argent que des Magic Johnson ou autre Larry Bird. On lui donna par la suite le surnom de Jon « Contract »…

Vous l’aurez compris, la grande lignée du pivot blanc compte un paquet de noms. j’aurai pu également citer Eric Montross, Luc Longley, Will Perdue et bien d’autres encore. Le basket français a également eu son lot de dignes représentants. Pour les puristes, je citerai les noms de Jean-Gaël Percevaut, Franck Butter, Frédéric Domon et bien sur le dernier en date, Frédéric Weis qui aura marqué à sa façon l’histoire en « participant » à ce qui est peut être le plus beau dunk de l’histoire…  Malheureusement ou heureusement, cela dépend comment on voit les choses, les dernières évolutions du jeu ne laissent quasiment plus de place aux pivots. Le bon vieux centre qui jouait « lourd », dos au panier, est en voie d’extinction. Et avec lui s’en est allé le « pivot blanc ». Il reste bien quelques rares spécimens en activité mais aucun n’arrive à la cheville de ses glorieux ainés.

pivots blanc

Et Frédéric Weis entra dans l’histoire…

La mode est passée, mais qui sait, peut être qu’un jour lointain prochain, un nouveau joueur, dépassant les 2m10, avec une détente proche de celle de l’hippopotame et se consacrant aux laborieuses tâches défensives, refera une apparition. Si cela devait arriver, n’oubliez pas de garder un oeil ouvert, le prochain poster-dunk de la décennie ne sera sûrement pas loin…